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Réalisateur, scénariste et producteur de longs et courts métrages, Jean Marboeuf est un « grand » du cinéma français. Il fut plusieurs fois primé, notamment en 1996 pour Temps de chien à l'International Festival of French-Speaking Film où il obtint le prix du « Meilleur film ». Le monde du cinéma n’a aucun secret pour ce cinéaste aux productions originales.
Du mercredi 23 août 2023 au dimanche 22 octobre 2023
Le Lucernaire - Paris
Réservation en ligne.
Du jeudi 01 septembre 2022 au dimanche 01 janvier 2023
Théâtre de Passy
95 rue de Passy - 75016 PARIS
Réservations : 01 82 28 56 40 - www.theatredepassy.fr
Du samedi 11 septembre 2021 au lundi 18 octobre 2021
Théâtre de la Porte Saint-Martin
Informations et réservations : www.portestmartin.com.
Anny Duperey est un peu de notre famille. On la connait pour l’avoir lu ses livres et l’avoir vue jouer au cinéma, à la télévision, au théâtre, et même parfois dans la vie quotidienne.
Je l’ai croisée dans l’escalier du Lucernaire alors qu’elle montait (ou descendait ?) de sa loge et la conversation s’est engagée en toute spontanéité sur le travail de son amie Pascale Bordet dont les oeuvres sont accrochées sur les murs. Elle vient d’écrire le texte de présentation d’une exposition qui va bientôt avoir lieu. A ne pas manquer parce que cette costumière, toujours vêtue de blanc, et qui adorait tant la couleur, était une très grande dame, et une formidable aquarelliste.
Plus tard, Annie entre comme par effraction sur le plateau pour relire les lettres qu’elle a envoyées à ses Chers enfants. Elle les partage avec nous, en toute logique, puisque nous appartenons un peu à sa famille nous aussi.
Rencontrer l’héroïne d’Un éléphant ça trompe énormément laisse un souvenir rayonnant. Jean Marboeuf avait remarqué Anny Dupereydans les années 1970 lors d’un déjeuner avec Georges Lautner : « Elle était déjà pétante de santé et dynamique », se souvient l’auteur, qui la met en scène dans son texte Mes chers enfants. Les lettres qu’une veuve, mère, grand-mère, mais aussi une amante écrit à ses enfants. Et qui signe : « Maman à marée montante », « Maman gloutonne », « Maman friponne » et conseille à sa progéniture de se remplir « d’amour, de culture, de joie », de sexe aussi. « Je trouve qu’Anny capte bien cette correspondance, se l’approprie complètement, je suis enchanté de ce qu’elle propose et comprend. C’est agréable de travailler avec un acteur qui a du répondant. Je ne pouvais pas rêver mieux comme interprète », ajoute le réalisateur, qui partage avec l’actrice son amour pour les chats.
« Mes chers enfants », ses lettres audacieuses osent tout et nous mettent face aux réalités.
C’est un seul en scène insolite dans un petit théâtre plein comme un œuf, perdu dans le XVIème arrondissement parmi les boutiques de Passy. Pas mal de spectatrices ont l’âge d’avoir des enfants « presque vieux » comme Anny Duperey le raconte dans ces lettres qui égrènent une vie de femme. Des enfants qu’elle a élevé en « maman responsable » mais pas fusionnelle. Elle ne leur a pas sacrifié sa vie amoureuse. Pierre, sa grande passion, est mort, elle se retrouve seule à les accueillir tous les dimanches avec son fameux, inégalable gâteau au chocolat. Eux accomplissent leur devoir, elle n’espère que ce déjeuner.
Ce pourrait être attendu, ça nous prend par surprise. Car cette mère qui signe chaque lettre avec un autre adjectif se révèle furieusement anti-conformiste. Et ça fait du bien en ces temps si balisés, si pétris de prêt à penser. Quand elle décide de quitter la ville, l’appartement conjugal, les habitudes pesantes pour partir à Ouistreham dans une maison, un déclic s’opère en elle : le goût de la liberté. Dans tous les domaines : psychologique, professionnel, social, sexuel, philosophique, existentiel…
Le texte est d’une lucidité implacable. Intelligente et nuancée, Anny Duperey le déroule avec subtilité. Elle a l’art de montrer un comportement qui franchit les limites de la bienséance bourgeoise tout en gardant son regard, son débit, son style de grande dame bien élevée, chic et respectueuse des bonnes manières. Ce qui se dit est admirable et universel. Imaginé par le cinéaste Jean Marbeuf qui signe la mise en scène, avec une musique de Roland Romanelli, des vidéos, des astuces scéniques formidables, on se dit qu’il ne pouvait pas être mieux mis en valeur que par cette brillante actrice et écrivain qui a toujours été cash, et dont le charisme s’impose ici de minute en minute. Elle nous emmène loin dans la réflexion sur la vie, la famille, l’amour, la solitude. Ca n’est pas une pièce joyeuse mais l’héroïne est une femme qui nous apprend la légèreté. La salle ne s’y trompe pas, à la fois attentive, émue, applaudissant avec des rappels. Le plus fort c’est que c’est un homme qui a signé ces intimes confidences !
A la fin, les spectateurs sont nombreux à attendre Anny, sereine, même pas fatiguée après une heure vingt de monologue, et qui pose gentiment pour les selfies. Il y a là aussi les Marbeuf, Jean et sa femme. Lui est un franc-tireur hypersensible qui tient - soit dit en passant - un beau projet de film sous le coude («scénario écrit, fini») et attend des financiers. En sortant, on a l’impression de quitter une génération soixante-huitarde bien plus fantaisiste et culottée que les trentenaires d’aujourd’hui ; mais on la sent un brin désenchantée par notre époque bien-pensante.